LUNDI 17 MAI 2010
Isabelle FILLIOZAT
Conférence introductive : la grammaire des émotions
Peur, colère, tristesse, joie...Qu’est-ce qu’une émotion ? Comment distinguer émotion et sentiment ? Et doit-on toujours exprimer ses émotions ? Elles sont le sel de la vie, mais sont aussi parfois sources d’inhibition, de tensions. Intempestives, elles altèrent parfois nos relations, nous mènent au conflit ou à la soumission. Il nous semble parfois qu’elles nous enlèvent notre liberté, guidant nos réactions. D’où viennent l’hyperémotivité ou la froideur affective ? Nous nous sentons souvent impuissants et démunis face aux expressions émotionnelles des autres. Hommes et femmes sont-ils égaux devant leurs émotions ? Les explosions émotionnelles de nos enfants nous pétrifient ou suscitent notre fureur, que se passe-t-il en eux ?
Et en nous ?
Autant de questions qui seront abordées par Isabelle Filliozat dans cette conférence d’ouverture.
Isabelle FILLIOZAT travaille depuis 1982 comme psychologue-psychothérapeute et formatrice en relations humaines et communication. Fille d’un psychologue et d’une psychanalyste, elle est depuis son enfance plongée dans le monde des émotions. Formée à l’Analyse Transactionnelle, à la Thérapie Néo-Reichienne (Radix) et à la Programmation Neuro-Linguistique, elle a peu à peu développé sa propre approche et s’est spécialisée dans la grammaire des émotions. Elle a fondé l’École des Intelligences Relationnelle et Émotionnelle pour former des professionnels à son approche spécifique de la relation et de l’émotion. Aujourd’hui elle vit et travaille à Aix-en-Provence où elle se consacre également à la transmission et de la diffusion vers le grand public par le biais de livres, articles, conférences, émissions de radio... Elle est auteure de 12 livres dont son best-seller « L’intelligence du cœur » et « Les autres et moi. Comment développer son intelligence sociale » chez JC Lattès.
Philippe JEAMMET
Émotions et conscience de soi : une confrontation explosive à l’origine de la psychopathologie
humaine ?
Les progrès des neurosciences nous révèlent l’importance de notre héritage génétique animal et paradoxalement dessinent progressivement les contours de ce qui pourrait conférer à l’humain sa spécificité : l’accès à la conscience réflexive. Conscience qui le confronte à ce paradoxe que son besoin de recevoir des autres ce qui lui manque donne à ceux-ci un pouvoir qui menace sa liberté. Paradoxe spécifiquement humain que l’adolescence révèle en l’exacerbant et qui peut conduire le sujet à se priver de ce dont il a le plus besoin et souvent envie ; ainsi qu’à s’affirmer dans sa différence par le refus, l’opposition, l’autodestruction jusqu’à parfois en mourir pour mieux se sentir exister.
Les besoins comme les émotions mettent en cause les limites de l’individu et le tirent hors de lui-même. Elles représentent en cela une menace sur le territoire et déclenchent en retour d’autres émotions, probablement les plus primaires, de protection du territoire. Mais le territoire de l’homme ne se limite pas à l’espace. Cet accès à la conscience réflexive fait que son territoire est aussi celui lié à la représentation qu’il a de lui-même et à celle qu’il pense que les autres ont de lui. C’est l’espace sans limite du narcissisme dont toute atteinte est susceptible de déclencher des réactions d’une violence elle aussi sans limite. Violence d’où peut naître la créativité mais aussi la destructivité, cette créativité du pauvre.
Les troubles mentaux ne sont pas un choix. Ils s’imposent au sujet et relèvent du registre de la destructivité. Leur point commun, outre leur caractère stéréotypé, c’est l’amputation d’une partie de nos potentialités et l’appauvrissement de l’individu. C’est une contrainte qui s’impose pour des raisons émotionnelles liées à la peur et au sentiment de menace. Les désirs y sont finalement peu impliqués si ce n’est par leur caractère menaçant. Mais en s’imposant au Moi, les troubles mentaux permettent à celui-ci de retrouver une forme de maîtrise dont il peut avoir l’illusion qu’à défaut de les avoir choisis ils lui appartiennent.
Philippe JEAMMET est professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université René Descartes Paris VI. Il a publié en 2008, aux Éditions Odile Jacob « Pour nos ados, soyons adultes » ; avec Denis BOCHEREAU « La souffrance des adolescents », La découverte, 2007.
Alfredo CANEVARO
Méthodes et techniques expérientielles en psychothérapie individuelle systémique
En psychothérapie, la rationalisation représente un risque important : loin de permettre de sortir de l’impasse, elle mène souvent à un durcissement des positions en présence et empêche le rapprochement souhaité des membres de la famille. A l’inverse, une rencontre émotionnelle permet de dépasser des malentendus fréquents dans la vie relationnelle du patient. Au cours de son exposé, le Docteur Canevaro présentera différents exercices expérientiels destinés à ramener l’émotion dans la séance pour ouvrir de nouvelles possibilités à la rencontre thérapeutique, faisant de celle-ci un événement significatif et positif non seulement pour le patient lui-même, mais aussi pour l’ensemble de la vie de la famille.
Psychiatre et psychothérapeute, Alfredo CANEVARO est engagé dans des activités de clinique, d’enseignement et de supervision. De formation psychanalytique, il a évolué vers une pensée systémique complexe. Il a été professeur de Psychologie Sociale et de la Famille du cours de post-graduat de la faculté de droit de Buenos Aires. En 1977 il a fondé « Terapia Familiar », la première revue spécialisée en langue espagnole. Il est membre de l’American Family Therapy Academy, de la Société Italienne de Psychologie et Psychothérapie Relationnelle et de l’European Family Therapy. Il collabore depuis 1999 avec l’école Mara Selvini Palazzoli à Milan en tant que professeur et chercheur clinicien.`
Martine LAMOUR
La souffrance des professionnels confrontés aux troubles graves de la parentalité
La pratique clinique du Dr Lamour s’est centrée sur des situations de défaillance parentale grave qui appellent un soin spécialisé précoce, souvent associé à des mesures de protection de l’enfant. Elle a travaillé avec des professionnels de toutes disciplines, beaucoup œuvrant dans le champ de la Protection de l’enfance, tous s’affairant de près ou de loin à aider les bébés et leur famille. Dans ces histoires de vie, à la souffrance des bébés et des parents, fait écho la souffrance des professionnels, la nôtre. Confrontés aux troubles graves de la parentalité qui attaquent les repères fondateurs de l’humanisation et
mettent l’enfant en danger, les professionnels sont d’autant plus profondément déstabilisés qu’ils sont aussi happés par la pathologie du lien parent-nourrisson, qui diffuse aux relations qu’ils tissent avec la famille et avec les autres professionnels du réseau. Ils vivent alors des mouvements émotionnels négatifs intenses : angoisses, sentiments de disqualification, d’incompétence, d’impuissance, culpabilité, etc. Nous avons largement tendance à sous-estimer l’impact désorganisateur de la psychopathologie familiale sur le fonctionnement des professionnels, non seulement au niveau individuel (risque de burn out), mais aussi au niveau institutionnel. Plus les relations parents-enfant sont perturbées, plus des troubles graves de la parentalité exposent le bébé tant psychiquement que physiquement, et plus les professionnels se vivent malmenés et sortent meurtris de ces suivis.
Aussi a-t-elle cherché avec tous ces partenaires le sens de ces éprouvés pour mieux les penser et pour les transformer. C’est ce cheminement qu’elle présentera en tentant de répondre à trois questions : comment s’exprime la souffrance des professionnels ? comment la comprendre ? comment aider les professionnels ?
Martine LAMOUR, pédopsychiatre et chercheuse dans le domaine des interactions précoces parents-nourrisson, a exercé pendant 28 ans au Centre Myriam David, Fondation Rothschild, dans le treizième arrondissement de Paris. Dans cette unité de soins psychiatriques pour jeunes enfants et leurs parents, sa pratique s’est centrée plus particulièrement sur les nourrissons exposés à des troubles graves de la parentalité, souvent dans le contexte d’une psychopathologie familiale (psychoses chroniques, carences, etc.). Elle a été Professeur associé de psychologie de l’enfant à l’université René Descartes (Paris V) et poursuit actuellement son activité de formatrice dans le cadre de formations continues destinées aux professionnels.
Auteur de nombreux ouvrages dont, avec M. BARROCO :
« Souffrances autour du berceau: des émotions aux soins » Ed. Gaëtan Morin, 1998 ; avec M. MAURY : « Alliances autour du bébé : de la recherche à la clinique » PUF, 2000. Son nouveau livre, rédigé avec Marceline GABEL, paraîtra sous peu sous le titre « La souffrance des professionnels confrontés aux troubles graves de la parentalité ».
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MARDI 18 MAI 2010
Pierre PHILIPPOT
La psychothérapie par et sur les émotions
Dans l’univers des psychothérapies, les émotions ont longtemps été considérées comme présentant un intérêt mineur, alors que la plupart des personnes qui consultent un psychothérapeute mettent au premier plan de leurs plaintes une détresse émotionnelle à laquelle ils ne peuvent faire face. Cependant, les connaissances scientifiques sur les émotions ont fortement évolué dans les deux dernières décennies et elles offrent actuellement une base théorique et empirique solide pour la psychothérapie.
Dans cette optique, cette conférence va présenter des développements récents en psychothérapie qui sont basés sur les théories des émotions. Ceux-ci seront situés dans le contexte historique du développement des psychothérapies. Une attention particulière sera accordée à démontrer la valeur ajoutée d’une approche émotionnelle pour la psychothérapie, notamment en termes de conceptualisation des situations cliniques et des méthodes d’intervention. Enfin, des courants psychothérapeutiques spécifiques, issus de cette approche, seront présentés, notamment ceux basés sur le développement de la (pleine) conscience du vécu émotionnel.
Pierre PHILIPPOT est professeur ordinaire de psychologie à l’Université de Louvain (Belgique) et maître de recherche honoraire au Fonds National de la Recherche Scientifique, fondateur des Consultations Psychologiques Spécialisées (CPS), un service universitaire de consultation et de recherche spécialisé dans le traitement des troubles émotionnels. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages scientifiques, ainsi que du livre « Émotion et psychothérapie » paru en 2007 chez Mardaga.
Olivier LUMINET et Philippe de TIMARY
Quand la recherche et la clinique des émotions se rencontrent
Le but de l’exposé est de croiser un regard scientifique et un regard clinique sur la question des émotions. L’exposé comprendra une présentation de quelques modèles de l’émotion. On présentera différents modes de réponses aux situations émotionnelles en précisant leurs effets plus ou moins fonctionnels sur la qualité de vie et la santé. On abordera ensuite quelques dimensions importantes de personnalité liées à la régulation émotionnelle (alexithymie, intelligence émotionnelle, impulsivité). Les illustrations cliniques se feront principalement à partir de patients alcooliques. Elles révéleront notamment comment les dimensions de la personnalité préalablement définies influencent la relation entre l’appétence (« craving ») pour l’alcool et les affects négatifs.
Olivier LUMINET est professeur de psychologie à l’Université catholique de Louvain (UCL) et à l’université libre de Bruxelles (ULB) et chercheur qualifié au Fonds national belge de la recherche scientifique (FNRS-FRS). Ses recherches concernent les liens entre facteurs de personnalité, réponses émotionnelles et santé physique et mentale. Philippe DE TIMARY est psychiatre, responsable d’une unité d’alcoologie aux cliniques Saint-Luc à Bruxelles (UCL), chargé de cours clinique et chercheur clinicien au FNRS-FRS.
Ann Claude SIMONEAU
Développer les habiletés d’identification et d’expression des émotions chez les enfants de 3 à 12 ans
Le vocabulaire des enfants lié aux émotions est souvent réduit à une dichotomie du type ‘je me sens bien’ ou ‘je me sens mal’. Par ailleurs, les émotions se trouvent être le point de départ de la demande d’aide. L’approche thérapeutique cognitivo-comportementale soutient que les émotions, les pensées et les comportements sont liés. Donc, pour avoir accès à un réel changement, les habiletés d’expression des émotions sont un point de départ. Cette présentation vise à offrir aux participants un ensemble d’idées concrètes permettant de bâtir et d’étayer le vocabulaire d’expression chez les enfants.
Le docteur Ann Claude SIMONEAU est psychologue clinicienne œuvrant selon les principes de l’approche cognitivo-comportementale (TCC) à Montréal. Originaire du Québec, elle se spécialise depuis 2002 dans le traitement des enfants victimes d’agression sexuelle. Elle a travaillé aux États-Unis auprès du Docteur Esther DEBLINGER reconnue pour ses pratiques de pointe en matière d’intervention auprès des enfants traumatisés.
Anne-Françoise THOMSIN et Raphaël GAZON
Des clefs artistiques pour ouvrir nos trésors émotionnels : challenge d’un groupe thérapeutique
Je crée donc je suis... Ce pari est né de la rencontre entre deux pratiques divergentes mais dont la complémentarité apparaissait comme évidente. Croire en la mise en exergue des théories psychologiques (sciences des émotions) par le biais des approches ergothérapiques, a permis de donner vie à un groupe qui se définit comme un laboratoire coloré des palettes émotionnelles. Fort de ces deux philosophies, ce duo de professionnels propose à chacun de s’inscrire dans un espace temps où l’art donne vie aux émotions, où l’impalpable peut prendre forme dans le but de se réapproprier, à partir de l’imaginaire, une réalité émotionnelle propre. C’est donc, grâce à diverses techniques artistiques, de pleine conscience et d’expression que sont créées les conditions permettant l’émergence de l’émotion, favorisant sa conscience dans ses composantes corporelles, cognitives, expressives et d’action, menant à l’acceptation du vécu émotionnel pour, enfin, y expérimenter de nouvelles façons d’y réagir. Alors, être ou ne pas être... si telle est la question, laissons répondre les émotions.
Anne-Françoise THOMSIN est ergothérapeute en psychiatrie. Elle est formée en théâtrothérapie, en yoga du rire et en massage assis. Elle anime des groupes d’expression créative et d’impro-théâtre depuis plus de 10 ans.
Raphaël GAZON est psychologue, psychothérapeute cognitivo-comportementaliste. Il s’est spécialisé dans le traitement des troubles émotionnels et dans l’application de techniques de méditation en psychothérapie. Il anime des groupes de communication et de régulation des émotions en hôpital de jour psychiatrique, à la clinique du stress et en entreprise.
Ensemble, ils proposent un groupe thérapeutique d’expression émotionnelle à la clinique du stress (sur le site du petit Bourgogne à Liège)
Lucienne STRIVAY
A l’interface de l’humain et du non-humain : apprendre à être affecté
Le corps, c’est ce qui nous rend sensibles ; ou plus précisément, le corps c’est ce qui nous apprend à devenir sensibles. Entrer dans une culture, c’est dès lors apprendre au corps (et du corps) à être affecté de certaines manières. Face à une même réalité, des corps traversés par des cultures différentes ne décryptent pas les mêmes stimuli et n’éprouvent pas les mêmes sensations.
Les témoignages accumulés sur les expériences très singulières vécues au fil du temps par des enfants longuement désocialisés — ceux qu’on a appelés les enfants sauvages—, constituent un matériel intéressant.
La question que nous explorerons concernera le passage d’un corps construit par ce que nous appellerons « des agencements étranges » (que ce soit le fait d’être élevé par des loups, d’avoir vécu « seul » ou presque, et toutes les situations qu’on pourrait imaginer comme origine de l’expérience de l’enfant sauvage), à sa transformation dans et par les dispositifs de culture, visant à le domestiquer.
Ce qui fera l’objet de transformations dans les dispositifs de culture nous permet de repérer les possibles humainement investis, sans toutefois pouvoir rendre compte de manière systématique du pourquoi de ces investissements.
La socialisation des enfants sauvages apparaît comme un véritable travail de « reformatage » du corps humain, c’est-à-dire de réintégration du corps dans les contraintes propres à ce que cette époque et cet endroit attachaient comme valeur au « devenir humain ».
Lucienne STRIVAY enseigne l’anthropologie de la nature à l’Université de Liège. Ses domaines de recherche ont en commun de se situer aux interstices : là où se transforment les régimes de pensée, où les hommes se définissent en marquant leurs règles d’identification entre eux et tous ceux qu’ils estiment appartenir aux mondes non-humains, où s’élaborent les exclusions comme les curiosités, où se produisent les bifurcations dans les manières de penser, de s’allier, de connaître. Après s’être intéressée aux conceptions éthiques de l’animal, notamment dans leur lien à l’alimentation, aux approches des désordres mentaux par les aliénistes (XVIII et XIXèmes siècles), à l’anthropologie du regard, elle a publié en 2006 « Enfants sauvages. Approches anthropologiques. » aux éditions Gallimard (coll. Bibliothèque des sciences humaines).
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