Jeudi 5 décembre

10h00-10h30
Ouverture du congrès par Catherine Denis

10h30-11h30

Jean MAISONDIEU
La règle d’or de la postmodernité : « Excluez-vous les uns les autres »


À l’heure où précarité économique et précarité affective se conjuguent pour favoriser pertes, ruptures et abandons tant dans « les histoires d’amour [qui] finissent mal en général » que dans le monde du travail où la flexibilité est imposée à chacun au nom de la sécurité de l’emploi de tous, l’individu peine à se percevoir comme le sujet unique en son genre digne du respect le plus absolu qu’il est par essence. Réduit à la seule dimension d’objet du désir et/ou de ressource humaine au service de l’Économie, il est amené à se plier à cette chosification aliénante sur fond d’éphémère pour survivre. En le rendant extrêmement conscient de sa contingence pour autrui, elle l’incite à masquer sa dépendance affective en renonçant à exprimer une quelconque demande d’amour. « Ensemble, c’est tout » devient sa norme relationnelle de base assortie à l’occasion de conduites addictives si le « même pas mal » du déni d’être affecté par ce manque de considération et cette absence de liens durables et profonds s’avère insuffisant pour supporter la solitude désespérante et les séparations itératives auxquelles son désengagement affectif défensif le condamne. C’est comme cela que coincé entre sa propre honte et le mépris d’autrui il devient complice à son corps défendant d’un autruicide généralisé dans lequel au « sauve qui peut » d’un libéralisme effréné n’ayant que faire de la fraternité répond en écho un « chacun pour soi » mortifère de vouloir exclure autrui de sa vie pour ne pas courir le risque d’être exclu par lui.

Psychiatre et pédopsychiatre, Jean Maisondieu a d'abord exercé comme psychiatre des armées dans la Marine Nationale avant d'être psychiatre des Hôpitaux et médecin chef de secteur psychiatrique pendant 30 ans. Aujourd’hui psychiatre des Hôpitaux honoraire, il est également apprécié pour ses essais, notamment « La fabrique des exclus » (Bayard éditions, Paris, 2010).

11h30 Pause-café
12h00-13h00

Boris CYRULNIK
Abandon, mémoire et récit


Comment fonctionne notre appareil psychique en vue d’atténuer la douleur de la perte d’un être cher ?

Comment notre mémoire peut-elle devenir une précieuse alliée pour reconstruire un récit sensé et clément des ruptures et abandons que nous avons vécus ?

Quelles ressources mobilisons-nous pour nous soigner de ces déchirures en cascades qui affectent notre existence lorsque celle-ci est marquée par des ruptures et des abandons à répétition ?

Éthologue, neurologue, médecin, psychiatre et psychanalyste, Boris Cyrulnik scrute l’âme humaine depuis plus de 50 ans. En observateur attentif et passionné, il s’attarde à comprendre comment il est possible de refaire les mailles de vies brisées, de rejouer des destins broyés par de violents traumatismes. Le parcours de Boris Cyrulnik est singulier, et sa pratique se forge au croisement des disciplines. L’homme en constante quête de sens est aussi un auteur à succès, surtout connu du grand public pour ses recherches sur la résilience et sur la mécanique fragile du bonheur.

13h00-14h30 Pause-déjeuner (libre)
14h30-15h30 Conférences au choix

Bernadette NICOLAS
Voyages au pays de l’abandon


Perdre son origine se ressent comme une trahison, une perte de soi-même, de ses repères, de sa connaissance du monde, même si ce monde était destructeur ou douloureux.

Les enfants mettent alors toute leur énergie à reconstruire, là où ils sont accueillis, ce pays d’abandon, le seul où ils peuvent se reconnaître, où ils se sentent fidèles à eux-mêmes, en entier.

C’est pour eux une question de survie. Cela leur évite aussi la douleur de nouvelles ruptures qu’ils ne pourront pas affronter. Des liens pas construits ne peuvent se rompre.

Nos voyages réguliers de parents vers ce pays d’abandon, nous ont permis d’y retrouver - parfois - nos enfants et, avec beaucoup de délicatesse et de maladresses, nous aident à les amener petit à petit vers le pays des liens solides et chaleureux où ils se sentiront chez eux sans plus s’y perdre. Ces liens solides, les seuls qu’ils oseront, le moment venu, quitter en toute sécurité.

Mais c’est à nous à faire d’abord le chemin et le lien entre ces deux pays en reconnaissant le premier dans tout ce qu’il constitue nos enfants.

Ce sont ces voyages vers la connaissance de nos enfants que nous voudrions partager avec tous les intervenants à l’enfance et aussi avec tous les autres parents.

Bernadette Nicolas est Présidente de l'asbl PETALES-Belgique et vice-présidente de PETALES-International (dont le siège est à Montréal). Cette association réunit des parents d'au moins un enfant souffrant de troubles de l'attachement sévères. Sa mission est d'apporter soutien et entraide à toutes les personnes confrontées à un enfant ou à des enfants souffrant de troubles de l'attachement. C'est-à-dire accueillir, écouter, aider, soutenir, informer les parents, les membres de leur famille et les proches de ces enfants.

Magali MOLINIÉ
S’affranchir du parent défunt en lui restant fidèle


À partir de l’expérience de la perte d’un père, d’une mère ou des deux à la fois, et des ruptures en cascade qu’elle entraîne dans sa vie, quelles ressources l’enfant trouve-t-il en lui et dans son entourage pour faire face ? Sur quoi peut-il s’appuyer pour construire une nouvelle relation au défunt, progressivement dégagée de la lourdeur du deuil et source éventuelle d’inspiration dans sa propre construction identitaire ? En effet, ces enfants font face à une question spécifique : comment être fils, fille d’un père, d’une mère morte pour pouvoir devenir père, mère à son tour ; comment se construire en cette présence-absence singulière des défunts ? Ce n’est donc pas seulement à élaborer ce qu’est la mort, la maladie, la disparition irréversible du parent qu’ils doivent s’atteler, mais à mener un travail de structuration personnelle et identitaire pour lequel ils s’appuyaient jusqu’alors de manière consubstantielle sur l’étayage du ou des parents disparus. Ce sont des parcours semés d’embûches que les situations cliniques et les témoignages littéraires donnent à penser dans leurs complexités et dont nous voudrions restituer l’essentiel de ce qu’ils nous ont appris.

Magali Molinié est psychologue clinicienne, elle enseigne à l'université Paris 8-Saint-Denis et collabore aux activités du centre Georges Devereux. En 2006, elle a publié le très remarqué « Soigner les morts pour guérir les vivants », un ouvrage original qui a bouleversé les approches traditionnelles du deuil. Depuis lors, elle poursuit ses travaux sur les relations que nous entretenons avec les défunts, avec un focus sur les enfants.

15h30 Pause
16h00-17h00 Conférences au choix

Garance BELAMICH et Charlotte COSTANTINO
Des pertes imposées aux renoncements consentis à l’adolescence


L’adolescence est l’âge des plus grandes pertes et le moment de la vie qui impose les plus douloureux renoncements. Elle est une période charnière qui engage le jeune individu sur une voie en rupture avec les modalités affectives et relationnelles de l’enfance. A mi-chemin entre l’enfance regrettée qu’il faut quitter avec nostalgie et l’âge adulte redouté qu’il faut apprivoiser avec autant de curiosité que d’appréhensions, l’adolescence confronte donc à des vécus de perte et d’abandon parfois si intenses que la crise d’adolescence classique ne suffit pas à soutenir l’accès progressif à l’autonomie. Pas étonnant que la bohème dépeinte par Arthur Rimbaud devienne un idéal pour certains adolescents : un état où il n’y aurait enfin plus rien à perdre, où l’on deviendrait un voyageur sans attache, dans un vagabondage assumé et joyeux. Derrière cette chimère d’un état où il n’y a rien à perdre, les cliniciens qui exercent en pédopsychiatrie font face à la réalité d’adolescents qui peinent à organiser les pertes auxquelles ils sont confrontés : si l’adolescence est une période carrefour où tout peut se faire, elle correspond aussi à une période de grande vulnérabilité où tout peut aussi se défaire. L’hospitalisation peut alors constituer une mise à l’abri pour l’adolescent en état de grande détresse psychique.

A quelles pertes l’adolescent est-il confronté ? Comment l’institution et le cadre psychothérapique créent-t-ils les conditions de leur élaboration ? Comment aider l’adolescent hospitalisé à renoncer aux positions infantiles antérieures et soutenir ainsi le processus de deuil nécessaire ?

Garance Belamich et Charlotte Costantino sont toutes deux psychologues à la Clinique Villa des Pages, une clinique spécialisée dans le traitement psychiatrique et psychothérapeutique des troubles psychiques de l’adulte et de l’adolescent, des troubles du comportement alimentaire et des troubles addictifs. Garance Belamich est secrétaire de rédaction de la revue Cliniques des Editions Érès dont Charlotte Costantino est directrice de publication.

Claude SERON et Katia CONRARD
La rupture de lien auteur-victime dans les situations d’inceste : issue irrévocable ?


Enterrer son père vivant ou le ressusciter des morts ...

Pour signifier à quel point l’agression sexuelle détériore considérablement la qualité des relations au sein de la famille, Eva Thomas, la fondatrice de « SOS Inceste », disait à propos de son père incestueux « qu’il est tombé de l’arbre généalogique ». Ces hommes se discréditent totalement dans leur fonction paternelle au moment où ils corrompent la relation avec leurs enfants. Est-ce à dire qu’il est préférable que ceux-ci ne conservent aucun contact avec leur père ? La restauration des victimes, de leur dignité, doit-elle se faire par la rupture des liens avec leur père ou au contraire, par la prise en compte de leur besoin d’appartenance à la même famille? Quelles sont les perspectives de néo-développements quand la rupture des liens est imposée par les intervenants de la justice et du social et que les membres de la famille se refusent à faire le deuil de tout espoir d’une réunification familiale ?

Fondateur de Parole d'Enfants, Claude Seron a une longue expérience dans le secteur de l'Aide à la Jeunesse (Belgique). Il s'est spécialisé dans l'accompagnement de familles sous mandat administratif ou judiciaire en général, et en particulier dans les situations d'abus sexuels intrafamiliaux. Aujourd'hui, il se consacre essentiellement à la formation et à la supervision.

Katia Conrard est psychologue et intervenante familiale au service Kaléidos de prise en charge des abus sexuels intrafamiliaux. Elle a également une expérience de soutien à la parentalité en milieu carcéral.

17h00-18h00

Hélène ROMANO
Petits mots et grande souffrance pour les enfants endeuillés


De l’annonce de la mort à la reconnaissance du deuil chez l’enfant

Parler de la mort avec un enfant endeuillé constitue une épreuve pour les adultes qui y sont confrontés. Comment accepter que la vie d’un petit d’homme en devenir, vienne brutalement être hypothéquée par la mort d’un de ses proches ? Il est bien plus simple de s’imaginer que l’enfant ne comprend pas, qu’il oubliera et qu’il n’est pas touché. L’enfant endeuillé se plaint peu, pleure peu. Non seulement parce que les modalités de sa souffrance face au deuil sont bien différentes de celles des adultes ; non seulement parce que son babil traumatique et ses troubles ne sont pas reconnus en tant que tels ; mais surtout parce qu’il perçoit l’incapacité de ses proches à l’entendre et à le comprendre. Pour ne pas les blesser, ne pas les peiner davantage, bien des enfants endeuillés restent seuls face à leur chagrin. La prise en charge de ces enfants, des tout bébés aux grands adolescents, nous apprend combien ils ont besoin d’une parole sur ce qui vient bouleverser leur vie. Une parole juste, une parole vraie, une parole qui les reconnaît dans ce qu’ils sont : des sujets, eux aussi blessés par la mort de leur proche et par la perte de leurs repères. Ne pas dénier la réalité du deuil de l’enfant, savoir connaître les troubles si spécifiques de sa souffrance, rester disponible même des années après, n’est pas si simple et les bons sentiments, qui n’en sont d’ailleurs pas, ne suffisent pas.

Cette communication propose de transmettre ce que ces enfants endeuillés peuvent nous dire lorsqu’un espace de parole leur est offert. Pouvoir annoncer la mort, savoir parler à l’enfant, savoir s’ajuster avec infiniment d’humilité à son vécu, c’est aussi et surtout savoir être un adulte transitionnel, relais indispensable pour lui permettre de regagner l’autre rive, celle de la vie et du devenir.

Docteur en psychopathologie clinique, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme, Hélène Romano coordonne la Cellule d’urgence médico-psychologique du 94 et la consultation de psycho traumatisme au CHU Henri Mondor à Créteil, dans le service du Pr Marty.

Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages en lien avec cette thématique, dont « L’enfant face au traumatisme » (Dunod, 2013), « Dis c’est comment quand on est mort ? Accompagner les enfants sur le chemin du chagrin » (La Pensée sauvage, 2009) ainsi que « L’école face au traumatisme et à la violence » (La Pensée sauvage, 2011).

18h00 Fin

Vendredi 6 décembre

9h00-10h00

Jean-Claude MÉTRAUX
Migrations : pertes, deuils et créations


Toute migration implique des pertes, des pertes de diverses natures : pertes d'un territoire, d'une demeure, de proches ; per-te aussi, bien souvent, d'un statut, d'une place dans la société ; perte encore, en de multiples occasions, d'un projet migratoire qui bute sur les réalités du pays d'accueil ;
perte, finalement, du sens que l'on donnait au monde. Ces pertes sont à l'origine de deuils dont l'issue détermine la position du migrant tant dans sa communauté d'origine que dans sa société d'accueil. Dans le meilleur des cas, cette issue est créatrice :
création multiforme. Toutefois, les conditions imposées aux migrants par le pays d'accueil les obligent fréquemment à s'accrocher à leur survie, à mettre en sourdine ce potentiel créateur. D'où la nécessité de leur offrir un contexte de sécurité dont nos politiques migratoires ont d'ordinaire perdu le vocabulaire.

L'issue de ces deuils a aussi une incidence sur la relation aux siens demeurés au pays d'origine. Inversement, cette relation peut favoriser le parcours du deuil et son issue créatrice.

Une pratique clinique engagée, dont j'exposerai les contours, est à même de faciliter cette issue créatrice.

Jean-Claude Métraux est psychiatre et psychothérapeute de l’enfant et de l’adolescent, auteur de « Deuils collectifs et création sociale » et, plus récemment, « La migration comme métaphore » (la Dispute, 2011). Engagé auprès des victimes de conflits armés, puis des migrants, il a constamment conçu son activité professionnelle comme un lieu de création politique. En tant que pédopsychiatre, ce sont les familles vivant dans la grande précarité qui l'ont mobilisé tout au long de sa carrière.

10h00-11h00

Marco VANNOTTI
Suicide et comportement suicidaire : le silence pour un deuil impossible ?


Le suicide bouleverse, chez les proches, la confiance même dans la vie ; il brise leur perception sociale. Des émotions exacerbées font partie du vécu des endeuillés confrontés à un événement souvent imprévu, presque toujours brutal. Le suicide, par le deuil difficile et persistant qu’il entraîne, a des conséquences profondes sur la
famille.

La dépression grave, l’idéation suicidaire ou le passage à l’acte constituent aussi une menace d’abandon pour l’entourage, appelé à manifester sa solidarité. Secoués, les membres de la famille occultent mutuellement leur souffrance : la taire, pense-t-on, rend celle-ci moins « sensible ». Pourtant, ce ne sont pas les paroles qui font mal, mais les non-dits.

La tendance à se dissimuler la souffrance à soi-même et aux autres soustrait de la protection aux sujets suicidaires qui ont besoin d'en parler et aux proches qui se sentent démunis. Le silence a une valeur incitative au passage à l’acte ; la parole, au contraire, témoigne, elle, de la capacité – solidaire – de faire face ensemble aux difficultés, d’élaborer un peu un deuil impossible.

Marco Vannotti s’est intéressé à la psychiatrie et à la psychothérapie d’inspiration systémique après avoir exercé la médecine interne. Cette expérience l’a porté à s’occuper des répercussions des maladies graves et chroniques sur les malades et leurs familles. Il enseigne actuellement à l’Université de Neuchâtel (Suisse) et, dans la même ville, comme formateur au CERFASY. A Milan, il collabore étroitement avec la formation de l’école de Psychothérapie Mara Selvini Palazzoli.

11h00 Pause-café
11h30-12h30 Conférences au choix

Alain MERCUEL
Permanence du soin ou permanence du lien ? Soigner la souffrance psychique des sans-abris


Voyage en territoire « sdouf », ou comment recréer du lien quand tout a été rompu.

SDF et fou, telle est la situation que l’on peut désigner par ce néologisme. Une « double peine » qui ne facilite ni la rencontre, ni le soutien, ni le soin.

Si chaque histoire est différente, on y retrouve pourtant le même triste point commun : celui d’une insupportable souffrance psychique. Pour tenter de la soulager, pas de recette-miracle, mais plutôt diverses tentatives de rencontres, jusqu’à trouver, peut-être le bon moment, le bon lieu, le bon moyen.

Lors de sa conférence, Alain Mercuel développera les facteurs de risque de précarité et d’exclusion. Il s’attardera ensuite sur les difficultés à construire un projet de « sortie de rue » compte tenu des troubles de l’attachement, indépendamment de la pathologie mentale, Enfin un troisième pan abordé sera l’impact de ce contexte de liens insécures sur les prises en charge à développer.

Alain Mercuel est chef du service d’appui « Santé Mentale et exclusion Sociale » (SMES) du Centre Hospitalier Sainte-Anne, coordinateur des Equipes Mobiles Psychiatrie-précarité de Paris. Depuis plus d’une vingtaine d’années, il côtoie des hommes et des femmes en grande détresse qui souffrent dans la rue, au quotidien. Il leur a consacré un livre « Souffrance psychique des sans-abris : vivre ou survivre » (Odile Jacob, 2012) et dédie aujourd’hui une partie de son temps à partager son expérience et à tenter d’abattre des cloisons pour que les plus démunis et leurs aidants puissent se rencontrer.

Jean-Paul MUGNIER et Marianne JANAS
De ruptures de liens en nouvelles appartenances : deuil de la relation ou accomplissement de soi ?


Paradoxalement, la constitution du couple sur la base du choix mutuel du conjoint a fragilisé cette relation entrainant un nombre sans cesse croissant des séparations et, dans le même temps, l’apparition de nouvelles configurations familiales. Ainsi, si cette relation n’apporte plus les satisfactions existentielles qu’elle est sensée procurer, alors la possibilité d’y mettre un terme semble aujourd’hui ne plus poser problème. Pour autant, cette apparente facilité ne cache-t-elle pas une attente toujours plus grande vis-à-vis de cette relation? La rompre pour créer un autre couple, recomposer une nouvelle famille n’est-il pas révélateur de cette recherche d’un lien favorisant un total accomplissement de soi ? Parallèlement à cette quête d’absolu, pèsent sur chaque nouveau couple, chaque nouvelle famille, à la fois les échecs des précédents, le processus de deuil des enfants, processus souvent méconnu, quand ce n’est pas leur sentiment de culpabilité lorsqu’ils s’attribuent la responsabilité de la rupture de leurs parents. Marianne Janas et Jean-Paul Mugnier développeront ces différents aspects avec le support d’un exemple clinique.

Jean-Paul Mugnier est éducateur spécialisé, thérapeute de couples et de familles, directeur de l'Institut d'études Systémiques (IDES), auteur de différents ouvrages dont « Les stratégies de l'indifférence » (Paris, Éditions Fabert, 2002), et très récemment « De l'incestueux à l'incestuel, une approche relationnelle » (Fabert, 2013). Marianne Janas est psychologue clinicienne, thérapeute familiale à l’IDES, formatrice à l’approche systémique et enseignante à l’université Paris Descartes. Ils réalisent tous deux des suivis thérapeutiques de familles, couples et personnes en individuel dans le cadre de demandes libérales ou d’accompagnements judiciaires.

12h30-14h00 Pause-déjeuner (libre)
14h00 -15h30

Bernard FOUREZ
Pourquoi les murs de nos cabinets ruissellent-ils d'abandonnisme après une journée de consultation?


L'abandonnisme constitue une teinte très prononcée dans nos consultations, en lien avec la condition d'individualisme. En effet, on se doit de considérer que le narcissisme - corollaire de l'individualisation - est indissociable de la sensibilité abandonnique d'une part et de la sensibilité paranoïde d'autre part.

En rassemblant les traits de la personnalité contemporaine, on pourrait montrer qu'elle a curieusement à voir avec la personnalité borderline qui comprend les traits abandonniques, narcissiques, la paroxysmalité et surtout l’instantanéité sans durée possible, c'est à dire avec des abandons successifs.

Par ailleurs, le changement, érigé comme valeur dans le chef des thérapeutes, appuie les abandons de toute sorte en reléguant au stade de tare toute permanence et durée qui renvoie au "has been". Le borderline est un champion du changement et de l'instabilité et une infirme de la permanence ...

Aussi, l'affirmation de nos patients de manquer de reconnaissance atteste au mieux le trait d'abandonnisme constitutionnel.

Loin de rester une simple proposition théorique, cet exposé sera émaillé de vignettes cliniques et de phrases de patients en consultation.

Bernard Fourez est psychiatre systémicien aux cliniques universitaires de Mont-Godinne-UCL et en privé. Avec Jean-Marie Lacrosse, professeur de sociologie à l’UCL, il a institué un séminaire qui a pour objet de questionner l’impact des enjeux sociétaux sur la psychologie contemporaine. Avec ce dernier, ainsi qu’avec Jean-Pierre Lebrun et d’autres, il approfondit ces réflexions dans le cadre d’un autre séminaire à Paris, avec Marcel Gauchet.

15h30 Pause
16h00-17h00 Conférences au choix

Marc-Antoine BERTHOD
Le deuil à plusieurs


Le deuil est généralement considéré comme la réponse d’un individu au décès d’une personne « proche », « aimée » ou « significative ». Il est appréhendé comme un processus plus ou moins long qui se laisse décrire par une série d’étapes, de phases ou de passages susceptibles de rendre la transition du deuil effective. Or qu’advient-il de ce processus dès lors que la perte est appréhendée dans ses dimensions relationnelles et collectives, au sein de différentes sphères sociales ? Pour répondre à cette question, cette conférence prend appui sur diverses recherches anthropologiques menées dans le monde du travail, des entreprises et des institutions. Elle s’intéresse au deuil quand il est vécu à plusieurs : entre un employé ayant perdu un proche, les collègues et les supérieurs hiérarchiques ou entre un professionnel de l’éducation sociale dont la personne prise en charge décède, ses collègues et la famille du défunt, par exemple. L’objectif de cette conférence est de mettre en lumière les conditions d’expression du deuil dans ses contextes sociaux tout en se demandant à qui s’applique la catégorie « deuil », là où une pluralité d’acteurs se sent concernée.

Marc-Antoine Berthod est anthropologue et professeur à la Haute école de travail social et de la santé – EESP – de Lausanne. Il a réalisé de nombreux travaux dans les domaines de la thanatologie, de la migration, des rituels et des croyances. Actuellement, ses recherches portent sur les situations de deuil au travail et sur les risques de prises en charge médicalisées des employés endeuillés.

Heidy ALLEGAERT et Caroline RINNÉ
« Maman est borderline, papa, je ne le connais pas bien....je vais à Fil-à-Fil... »


A travers une vignette clinique, les intervenantes présenteront leur travail au sein de l'unité Fil-à-Fil. Il s'agit d'offrir un soin (caring) de la parentalité et de la relation parent-enfant en particulier lorsque le parent (le plus souvent la mère) souffre de pathologies psychiatriques. Il ne s'agit pas d'apprendre au parent à s'occuper de son enfant mais d'être présent à ses côtés et de souligner ses potentialités à être parent et à les développer...

L’enfant d’une mère borderline est soumis, comme sa mère quand celle-ci était bébé, à des carences précoces, des désillusions répétées, un chaos déstructurant. Sa mère pense peu et agit beaucoup pour éviter d'être confrontée à des angoisses de vide et d'anéantissement ; n’ayant pas connu la permanence de l’objet, elle évolue sans faire de lien entre le présent et le passé. L’enfant est vécu comme rival ou tyrannique et non réparateur, la relation est donc frustrante. L’humeur maternelle oscille entre une avidité affective et un lâchage brutal. La mère borderline craint la dépendance du lien et peut rejeter brutalement le lien thérapeutique. Il est difficile pour une équipe thérapeutique de s'identifier à cette mère toute bonne ou toute mauvaise mais toujours puissante et vécue comme persécutrice.

L’unité « Fil-à-Fil » du CHP « Petit Bourgogne », à Liège, est un espace d’accompagnement et de soin de la relation parent/enfant durant l’hospitalisation du parent en psychiatrie. Une équipe de soignants spécialisés encadre les rencontres régulières entre le parent qui souffre de difficultés psychiques et ses enfants âgés de moins de cinq ans. Ceux-ci sont accueillis en journée dans des locaux aménagés du service.

Heidy Allegaert (psychiatre, psychothérapeute, psychodramatiste) est le médecin responsable du service Fil-à-Fil. Caroline Rinné y est psychologue et psychothérapeute.

17h00 Clôture - Surprise
17h30 Fin


parole d enfant