Puisque " l'avenir n'est plus ce qu'il était ", ne pourrait-on pas en inventer un autre ?
La capacité à rêver constitue une ressource parfois sous-estimée dans nos pratiques professionnelles où la tendance naturelle consiste à braquer le projecteur sur les problèmes, les souffrances, les difficultés.
Pourtant, beaucoup d’enfants meurtris, qui ont été abandonnés, maltraités, victimes d’injustice et de carences multiples, grandissent grâce à leur capacité à rêver d’un futur meilleur. Ils se promettent de devenir des adultes différents de ceux qu’ils ont connus. Cela soutient leur narcissisme, les aide à supporter le présent et à se projeter positivement dans l’avenir.
Chez les adolescents, la force d’évocation d’un idéal, souvent en rupture avec une réalité qu’ils dénoncent, leur permet de développer leur potentiel créateur et de se mettre en mouvement.
De même, lorsqu’un adulte galère, raviver cette part d’idéal autrefois bien vivante peut contribuer à retrouver un souffle nouveau.
On rencontre aussi des professionnels de la relation d’aide, du soin, de l’intervention sociale ou de l’éducation qui se heurtent quotidiennement à l’exclusion, à la stigmatisation, à la misère, à la souffrance, à la reproduction des inégalités. Loin de laisser tomber les bras, ils rêvent à de nouvelles façons de faire et tentent de passer à l’action, pour un jour, un an ou plusieurs décennies. L’ « imagination sociale », dimension constitutive de la vie en commun, débouche sur de nouvelles façons d’envisager la vie ensemble, la solidarité, la relation d’aide, mais aussi la folie, l’étranger, la différence, les frontières…
C’est dans des contextes comparables que sont apparues, au fil de l’histoire, différentes formes d’utopies : lorsqu’une société donnée renferme un nombre croissant d’individus qui ne s’y reconnaissent plus, inventer autre chose devient une urgence. Dans les périodes d’incertitude, d’inquiétude, voire de souffrance, alors que beaucoup d’hommes sont contraints de se replier sur eux-mêmes, ils cherchent dans leur imagination ce que la réalité leur refuse.
Pour certains, « utopique » veut dire impossible ; pourtant, l’utopie a pour ambition d'élargir le champ du possible, et d'abord de l'explorer. La capacité à rêver à un monde meilleur peut en effet se révéler une source de bénéfices tangibles et observables dans le réel.
En même temps, lorsqu’on évoque le recours au rêve ou à l’utopie comme planche de salut, on invite immanquablement les spectres de la désillusion, de la chute vertigineuse, du désespoir plus grand encore !
Quand on a trop espéré, on risque d’être d’autant plus déçu… Ou, quand le rêve tourne au cauchemar, que reste-t-il ?
A l’occasion de ce congrès nous chercherons à voyager à travers les territoires du rêve et des utopies et à saisir dans quelles circonstances ils peuvent constituer une alternative au découragement durable, au désespoir, à l’impuissance, à l’injustice :
> Quels sont aujourd’hui les rêves, les idéaux, les utopies, qui peuvent nous rendre de l’espoir et améliorer nos pratiques professionnelles ?
> Comment pouvons-nous utiliser nos rêves pour créer de nouvelles façons de faire notre métier, en en dessinant de nouveaux contours, en supprimant des frontières, en adoptant d’autres bases ?
> Comment aider nos patients - enfants, adolescents, adultes - à développer leurs rêves, non seulement pour mieux supporter leur réalité mais aussi pour se préparer un futur plus souriant ?
> Comment pouvons-nous utiliser notre capacité à « rêver pour » ceux qui ont perdu l’espoir ?
> Comment accompagner avec souplesse nos patients entre rêve et réalisme, entre idéal et résignation, entre déni de la réalité et deuil d’un idéal ?