JEUDI 24 Novembre
9h30 Ouverture
10h00
Eric FIAT
Des contes de fées aux tristes nouvelles, et retour : ces histoires qui nous font et défont
C'est généralement dans les contes de fées que les enfants apprennent la vie. Et ceci, pour le meilleur comme pour le pire. Pour le meilleur, parce que l'enfant y trouvera de quoi forger son imaginaire, et prendra conscience de la grâce et de la magie de l'existence. Mais aussi pour le pire, parce que les contes sont très coutumièrement fondés sur un manichéisme de principe, peu propice à faire comprendre l'essentielle grisaille, ambiguïté de l'existence. Oui, manichéisme des contes, qui opposent des figures purement bonnes à des figures purement mauvaises : du côté de Cendrillon, toutes les vertus et aucun vice (beauté, bonté, courage, altruisme, modestie) ; chez Javotte, tous les vices et aucune vertu (laideur, méchanceté, paresse, égoïsme, orgueil). Mais les hommes ne sont ni blancs, ni noirs ; ils sont gris, d'un gris plus ou moins clair et plus ou moins foncé. Or c'est le genre des nouvelles qui appréhende cette grisaille, et permet de sortir du manichéisme.
L'enfant a besoin des deux, pour forger son identité narrative, et pour tenter de donner sens à sa chaotique existence : oui, entre le conte et la nouvelle, il est urgent de ne pas choisir...
Eric FIAT est philosophe, professeur agrégé, maître de conférence à l'Université de Marne la Vallée, professeur à l'espace Ethique de l'Assis- tance publique des Hôpitaux de Paris. Il travaille sur des thèmes variés, de la philosophie de la nature à l'éthique médicale, en passant par l'éthique du travail social. Il est l'auteur, entre autres, de "Grandeurs et misères des hommes - Petit traité de dignité" aux Editions Larousse (2010). Il a aussi dirigé, avec Michel Geoffroy "Questions d'amour - De l'amour dans la relation soignante" aux éditions Lethielleu, Paris, 2009.
11h00 Pause-cafe
11h30 Conférences au choix
Jean-Paul MUGNIER
"Une vie, c'est l'histoire d'une vie"
Les mots sont des symboles et les symboles
des mots de passe dans lesquels
nous nous reconnaissons tous et sur la
base desquels chacun de nous sait que
nous savons ensemble, signe d'une appartenance
commune. Qu'ils aient la forme
d'une simple narration ou d'une oeuvre
d'art empruntant le chemin de la peinture,
de la poésie ou encore de la musique,
les récits sont des assemblages de mots,
de notes ou de touches de couleurs qui
prennent à témoin celui ou ceux à qui ils
sont destinés. Mais à la différence d'une
symphonie ou d'un tableau, conçus dans
la solitude qu'impose souvent la création
artistique, les récits dont nous parlons
sont tous le résultat d'une cocréation
entre l'intervenant et la famille ou certains
de ses membres. C'est de cette cocréation
dont il sera question, cocréation
dont
l'objectif est de permettre aux patients
comme au thérapeute de « bien pouvoir se
raconter ».
Jean-Paul
MUGNIER est éducateur spécialisé,
thérapeute familial, directeur de l'Institut
d'études Systémiques (IDES), auteur de différents
ouvrages dont "Les stratégies de l'indifférence"
aux Éditions Fabert, Paris, 2002, "La
promesse des enfants meurtris" aux Éditions
Fabert, Paris, 2005 et "Le silence des enfants"
aux Éditions L'Harmattan, Paris, 1999.
Nayla CHIDIAC
Écrire le silence : les ateliers d'écriture thérapeutique
Écrire, afin d'écrire une histoire, s'écrire
en écrivant son histoire, c'est en quelque
sorte s'inscrire dans une verticalité personnelle
et historique. Comme Gilgamesh,
à l'origine du premier écrit qui transcende
la mort, certains ont utilisé l'écriture pour
échapper à leur destin tragique. Écrire aussi
afin de dépasser l'horreur : Varlam Chalamov, dans les Récits de la Kolyma, s'attelle
à la tâche de rendre dicible l'indicible,
sensible l'insensible, animé le statique.
Ainsi, l'écriture maintient et transcende
mais aussi permet, par la distance requise,
de penser.
L'écriture, outil vital pour raconter
et se raconter, existe depuis environ six
mille ans et, si elle a permis à l'homme de
quitter la préhistoire pour entrer dans l'histoire,
elle s'impose aujourd'hui comme outil
thérapeutique essentiel.
Les ateliers d'écriture thérapeutique sont
un lieu où règnent le respect et la quête
du plaisir à penser. Un atelier d'écriture
ne doit pas être figé dans des formes et
des thèmes mais au contraire permettre
aux participants, par leur variété, d'être
confrontés ainsi à des mondes étrangers
aux leurs et par des différences, comme
par de véritables jeux de miroir, et de
retrouver par l'écriture une appétence à
vivre. Certes les participants à l'atelier
ne sont pas des écrivains professionnels
même si certains peuvent y prétendre.
Tous en ressortent avec un regain de
confiance en eux, une plus grande facilité
à s'exprimer en groupe, une plus grande
aisance à élaborer leurs pensées et un
plus grand plaisir à l'exprimer par écrit.
L'écriture telle qu'elle naît des ateliers
n'est jamais marquée du sceau de la pédagogie
ou de la psychothérapie. Ce qui
naît dans nos ateliers et qui a une valeur
littéraire rejoint la littérature. C'est peutêtre
cette possible accession à un monde
sans frontières qui en fait le sel. Ainsi que
le dit Edmond Jabès : « Le poème naîtra
des actes individuels d'une poignée de
mots que le danger réunit dans un même
lieu, à une heure déterminée. L'ennemi,
c'est le silence. » Ces propos seront illustrés
à partir d'exemples cliniques en atelier
et en individuel.
Nayla CHIDIAC est docteur en psychopathologie
clinique, enseignante à l'EPP (école des psychologues
praticiens), fondatrice des ateliers d'écritures
au Centre d'étude de l'expression à Sainte
Anne, spécialiste en psychotrauma, auteur du
livre "les ateliers d'écriture thérapeutique" paru
en 2010 aux Éditions Masson.
12h30 Pause-déjeuner
14h00
Mireille CIFALI
Au moment opportun, entre oubli et mémoire
En tant qu'historienne, mais aussi clinicienne
dans une formation d'enseignants
et de formateurs, la question du raconter
et de l'écrire a été au centre de ma
pratique universitaire. L'utilisation d'un
« journal de cours », de « récits expérience
» avec l'interrogation de la coupure
actuelle entre littérature et science, m'ont
donné à penser, en devenant une norme,
comment « raconter » et « écrire sur soi »
peuvent certes construire une identité narrative
mais aussi faire souffrir ceux qui n'y
peuvent pas souscrire. L'oubli, le silence, le
temps reporté, le moment opportun, sont
tout aussi essentiels à prendre en compte.
Celui qui accompagne un autre en passage
de difficulté ne peut que suggérer mais
jamais imposer, et ses propositions dépendent
d'une intelligence de la relation.
Historienne, clinicienne, Mireille CIFALI est
professeur honoraire à l'Université de Genève,
Section des sciences de l'éducation. Elle a
publié "Le lien éducatif" (PUF, 2005, 5ème édition)
; avec Alain André, "Écrire l'expérience"
aux PUF, Paris, 2007. Elle a un site personnel :
http://mireillecifali.ch
15h00
Bernard FOUREZ
Cette Hypermodernité qui nous façonne
Nous n'avons pas de difficultés à imaginer
le façonnement psychique et social dans et
par les cultures autres que les nôtres.
Mais l'Occident du 21e siècle a aussi ses
symboliques, et les cognitions, les discours,
les histoires qu'il construit nous
sont adressées de façon répétitive par
nos patients dans nos consultations. Les commandes sociales d'autonomie, d'individualisme,
d'égalité, d'instantanéité,
d'expression et des Droits de l'Homme,
l'impératif d'estime de soi et de confiance
en soi, le pédocentrisme et le matriarcat
contemporains organisent des butées et
des impasses psychologiques auteurs de
souffrances bien typées et constamment
amenées par ceux qui nous consultent.
Nous tenterons de sillonner cette personnalité
psychosociétale
au travers des
plaintes et des souffrances qui nous sont
couramment présentées et nous mettrons
en lumière les positionnements du thérapeute
façonnés eux aussi par cette même
culture. En effet, vu que la Psychologie est
devenue culture, la psychothérapie pourraitelle
ne devenir qu'une réponse du berger
à la bergère et risquerionsnous
alors
de compromettre une réciproque position
de véritable sujet de notre Histoire?
Bernard FOUREZ est psychiatre et psychothérapeute
au CHU de Mont-Godinne
(UCL – Belgique).
16h00 Pause
16h30
Martine LANI-BAYLE
Raconter pour apprendre
Nous avons besoin de ces mots qui nous
font Hommes, de la capacité à les articuler
et ordonner, pour faire apparaître et donner
forme à notre connaissance du monde
et de nousmêmes,
conjuguer sens et
contresens
dans notre vie.
Mais cette parole ne pourra survenir et
s'articuler, se prolonger en savoir, que
si elle « correspond », si elle « entre
en phase », avec ce que les mots dits
évoquent.
Longtemps je fus psychologue clinicienne ;
de bonne heure je me suis interrogée sur
le sort, en termes de rapport au savoir,
réservé à ces enfants immergés dans des
contextes de vie mouvementés auprès desquels
ma profession me mandatait. J'en ai
reçu des centaines par an. Avec eux, j'ai
tenté de rapiécer des bouts éparpillés de leurs parcours. Mais la magie des mots
m'a souvent échappé.
Ils n'ont pas de contours précis, ces enfants
qui sont pourtant parmi nous. Euxmêmes
ne savent pas toujours qui ils sont, d'où ils
proviennent. Ils donnent l'impression que
leur vie leur glisse entre les doigts sans
rien retenir sur son passage. Cabossés
de partout dans leur corps, leur tête, leur
coeur, ils portent les traces de stigmates
sans nom.
De ce temps où je fus psychologue je me
suis trouvée prise en otage de leurs désirs,
cherchant pour eux un ouvreur de chemin
qui faciliterait leur narration, tentant de
les rendre quelque peu auteurs de leur
vie. Mais recèle-t-elle
toujours pour eux
un sens habitable, un horizon d'espoirs ?
Quels sont les seuils du dicible, de l'audible,
de la discordance acceptable, de la
folie ?
J'ai voyagé avec ces questions, je les ai travaillées
avec ces enfants, je les ai écrites
et exposées dans des ouvrages que je
leur dédie. Pour qu'on ne les oublie pas.
Car eux, ils n'oublient pas, même si ça ne
se voit pas toujours. Même si les temps ont
changé. Et puis je suis partie. Sans oublier.
Vers les horizons de l'enseignement et de
la recherche, pour tâcher de transférer
cette expérience et la rendre utile, retrouver
auprès des adultes que je côtoyais
l'enfant qu'ils avaient été et que parfois, ils
n'avaient pas oublié. Jusqu'à en faire toute
une histoire.
L'expérience professionnelle de Martine LANI-BAYLE
a été marquée, à partir de 1974, par 20
années en tant que psychologue clinicienne en
service d'Aide sociale à l'enfance et en psychiatrie.
En1994, elle s'est dirigée vers l'enseignement
et la recherche universitaires. Depuis 1999,
elle est professeur en Sciences de l'éducation à
l'université de Nantes. Elle est l'auteur de nombreux
ouvrages dont, "Les Secrets de famille : La
transmission de génération en génération" aux
éditions Odile Jacob, Paris, 2007. Site internet
personnel : www.lanibayle.com
17h30
Vincent de GAULEJAC
Le sujet en quête de sens
Les sociétés hypermodernes confrontent
chaque individu à une contradiction. D'un
côté une exigence de conformité aux
normes de "l'idéologie gestionnaire" qui
contribuent à l'objectiver, l'instrumentaliser,
le désubjectiver. De l'autre, une exigence
d'advenir comme sujet, d'affirmation
de soi-même,
de son autonomie, de
sa singularité, de ses capacités créatrices.
L'exacerbation de contradictions est une
caractéristique de l'hypermodernité. Les
individus ne savent plus à quel sens se
vouer. Face à ces contradictions chacun est
en quête d'advenir comme sujet de son histoire.
Entre réflexions théoriques et illustration
clinique, la conférence explorera les
différentes dimensions de cette quête.
Vincent de GAULEJAC est Professeur de Sociologie
à l'UFR de Sciences Sociales de l'Université
Paris 7 Denis-Diderot
et directeur du Laboratoire
de changement social. Il est membre fondateur
de l'Institut international de sociologie clinique
et auteur d'une quinzaine d'ouvrages dont "Les
sources de la honte" aux éditions Desclée De
Brouwer, Paris, 1996, "L'histoire en héritage",
Desclée De Brouwer, Paris, 1999, "La sociologie
clinique" Érès, Toulouse, 2007 ou encore "Qui est
"JE" ?" aux éditions du Seuil, Paris, 2009. Site
internet personnel : www.vincentdegaulejac.com
18h30 Fin
|
VENDREDI 25 Novembre
9h00
Francine ROSENBAUM
L'enfant tigre : les histoires meurtries des migrants pansées/pensées par la thérapie narrative en langue maternelle
A partir de son expérience clinique avec
les enfants et les familles multiculturelles,
Francine Rosenbaum évoque les ressources
psycholinguistiques de la langue
maternelle qui libèrent la parole nécessaire
à l'élaboration de l'identité meurtrie
par la migration qui brise et mutile les
contenants physiques et psychiques pour
la fantasmer et la transformer en narration
structurante. La pertinence des codes de
communication qui assurent la transmission
du savoir dans les sociétés traditionnelles
est annulée dans le pays d'accueil.
En perdant le contexte relationnel et l'enveloppe
sonore de la langue maternelle, la
proximité physique du semblable, son reflet dans le miroir du regard l'autre, l'actualité
constituée de correspondances immédiatement
déchiffrables, les enfants et les
adultes déracinés expérimentent des sentiments
d'annulation, de déstructuration,
de désespoir, de vide affiliatif et affectif, de
perte d'identité, de peur et de menace. Les
conséquences peuvent être entre autres :
l'isolement, le mutisme, le repli, l'agressivité,
la crise d'identité, la paralysie de
la pensée, la honte et l'humiliation. Sous
prétexte d'intégration, le déni fréquent des
ressources de l'axe filiatif des migrants leur
barre l'accès à une affiliation souhaitée.
Francine ROSENBAUM est orthophoniste ethnoclinicienne.
Elle s'est spécialisée dans les
troubles de la communication et du langage attribués
à la migration et au multilinguisme. Dès
les débuts de son activité clinique elle a constaté
que le mal être des migrants se cristallise souvent
dans des symptômes qui lèsent la parole
ou l'écriture, une problématique complexe qui
dépasse largement les modèles psychopédagogiques
et rééducatifs traditionnels. Elle s'est
alors formée en thérapie familiale contextuelle,
en hypnose ericksonienne et en ethnopsychiatrie.
Elle a publié en 2010 "Les humiliations de l'exil.
Les pathologies de la honte chez les enfants de
migrants" aux éditions Fabert, Paris.
10h00 Conférences au choix
Evelyne JOSSE
Redevenir auteur de sa vie
Notre vie est structurée comme une histoire.
Nous lui donnons une cohérence en
l'appréhendant comme telle. Lorsque nous
racontons notre vie, notre récit n'est pas
le recueil fidèle des événements vécus ni
de la manière dont nous les avons éprouvés.
Nos expériences sont innombrables
et l'histoire de notre existence ne peut les
englober toutes. Nous ne retenons que
quelques fragments privilégiés que nous
structurons en un ensemble cohérent. Les
liens que nous établissons par rapport aux
événements retenus pourraient tout autant
concourir à leur attribuer un sens différent
et aboutir à des versions ellesmêmes
différentes.
Nous nous racontons donc toujours
une histoire parmi d'autres possibles.
Par ailleurs, cette histoire est en perpétuel
remaniement. Tout au long de notre vie,
nous l'actualisons de nouvelles données
jugées pertinentes et nous la rehaussons
d'hypothèses, de théories, d'interprétations
et d'explications. L'évolution de notre histoire
de vie s'apparente ainsi au processus
par lequel on devient l'auteur d'un texte.
Les histoires thérapeutiques s'appuient sur
notre extraordinaire faculté à revisiter et
à actualiser notre récit autobiographique.
Elles nous engagent à reconsidérer, réélaborer,
réévaluer notre vécu en y ajoutant
des idées nouvelles. La mission du conteur
thérapeute est de faire découvrir à ses auditeurs
qu'ils disposent de scénarios alternatifs
pour leur identité, pour leur histoire
passée et pour leur futur. En reprenant à
leur compte les idées qui font sens pour
eux, ils recomposent leur propre histoire et
redeviennent ainsi auteur de leur vie. Des
histoires, simples en apparence, peuvent
avoir des effets thérapeutiques : à la manière
d'un cheval de Troie, elles pénètrent
au coeur de notre système conceptuel pour
l'enrichir de définitions, de perspectives
et de représentations nouvelles. Cette reconfiguration de l'histoire permet, selon le cas, de retrouver de l'espoir en l'avenir, de
convertir une émotion, d'élargir l'éventail
des possibilités, d'entrevoir de nouvelles
options stratégiques, de changer d'attitude
face aux difficultés, de stimuler la motivation
ou la combativité, de prendre des décisions,
d'augmenter les capacités d'action,
de restaurer l'estime de soi, de se resituer
comme personne, etc.
Evelyne JOSSE est psychologue clinicienne diplômée
de l'Université Libre de Bruxelles. Formée à
l'hypnothérapie éricksonnienne, à l'EMDR et à la
thérapie brève, elle pratique en tant que psychothérapeute
en privé. Elle est aussi superviseur de
psychothérapeutes, expert en hypnose judicaire,
formatrice en psychotraumatologie et consultante
en psychologie humanitaire. Elle est l'auteur
de "Le pouvoir des histoires thérapeutiques.
L'hypnose éricksonienne dans la guérison des
traumatismes psychiques", la Méridienne-Desclée
de Brouwer, Paris, 2007.
Valérie ROSOUX
Après la guerre, le travail de mémoire comme deus ex machina ?
Quel travail de mémoire après une guerre ?
Quels en sont les acteurs, les intrigues, les
métaphores ? S'agit-il
de parler au nom
des morts et /ou des vivants ? Le but est-il
de transformer les souffrances individuelles
en une « mémoire partageable »
pour tous ? Est-il
possible de résoudre
aujourd'hui, et définitivement, toutes les
contradictions d'hier ? Chacune de ces
questions force à s'interroger sur la portée,
mais aussi sur les limites, du « travail de
mémoire » que nombres d'acteurs politiques
appellent de leurs voeux. L'emploi
d'une telle expression dans le registre officiel
peut en effet laisser songeur. A priori
directement lié aux souvenirs partagés par
les individus, le travail de mémoire dont il
est ici question se réduit-il
à un slogan lié à
l'air du temps ou s'apparente-t-il
à un geste
politique susceptible d'avoir des effets sur
les individus ? L'exposé se basera sur divers
cas concrets de conflits internationaux
et intercommunautaires. Il montrera que le
plus urgent n'est peut-être
pas de chercher à fixer des fragments de vérité aujourd'hui
dispersés, mais plutôt d'éviter le risque
inhérent à toute narration officielle du passé
: se muer en une description figée, politiquement
correcte, mais dénuée de toute
épaisseur sociale.
Valérie ROSOUX est chercheuse qualifiée du
Fonds national de la recherche scientifique
(FNRS). Licenciée en philosophie et docteur en
sciences politiques, elle enseigne la négociation
internationale à l'UCL. Elle est membre du
Centre d'études des crises et des conflits internationaux
(CECRI). Les questions qu'elle étudie
à l'échelle internationale ont des échos étonnamment
familiers pour tous les professionnels
de la relation d'aide qui accompagnent des personnes
blessées par l'existence.
11h00 Pause-cafe
11h30 Conférences au choix
André GREGOIRE
Des histoires à vivre debout ... plutôt que des histoires à dormir debout
Les personnes qui nous rencontrent se
présentent souvent avec des histoires à
« sens unique » : des histoires de souffrance,
de détresse ou d'impossibilités.
Bref, des histoires – et des vies– « sens
dessus dessous ».
Comment pouvons-nous
aider ces personnes
à inverser le cours de l'histoire
et façonner plutôt avec celles-ci
des histoires…
« sens dessous dessus » ? Quelles
pratiques narratives pouvons-nous
privilégier
dans notre partition d'intervenant –
dans nos questions, dans nos propositions,
etc. – pour co-construire
des histoires de
mieux-être
et de « bon sens » ? Dans quel
répertoire social pouvons-nous
cueillir ces
autres histoires de vie ? Quelles modalités
de dialogue permettent de transformer
des histoires ordinaires en histoires fascinantes…
de passer d'histoires à dormir
debout à des histoires à vivre debout...
Puisant largement dans la vision et les
modalités particulières développées par
le courant novateur de l'approche narrative,
cette présentation tentera de faire voir
et de donner un avant-goût
des formes d'histoires et des « sens de vie » que
propose cette approche dans ses relations
avec les personnes qui consultent.
André GRÉGOIRE est psychologue et codirecteur
du Centre de psychothérapie stratégique
à Montréal (Québec). Depuis plus de 15 ans, il
s'intéresse à l'approche narrative ; il a eu des
contacts réguliers avec Michael White et David
Epston, initiateurs de ce modèle, ainsi qu'avec
d'autres professionnels de renommée internationale
associés à cette approche. Il anime
régulièrement des sessions de formation et des
groupes de supervision clinique auprès de professionnels
en santé mentale au Québec ainsi
qu'en Europe. À titre de psychologue clinicien,
il est intervenu pendant de nombreuses années
auprès de jeunes adultes dans un collège, et il
fait aujourd'hui de la consultation en cabinet
privé auprès d'adultes et de couples présentant
des difficultés variées.
Bernard DECONINCK
Comment diminuer l'impact des mémoires traumatiques par l'ostéopathie
Lors de nos consultations ostéopathiques
avec des enfants, nous sommes amenés à
entrer en contact avec des « souvenirs traumatiques
». Souvent l'enfant ne peut les
verbaliser, parfois il n'y a pas accès. Mais le
fait d'être touché avec attention et respect
peut l'aider à déposer la charge physique et
émotionnelle liée à ces traumatismes. Ceci
peut se manifester par des pleurs, des cris,
mais aussi dans un regard, un soupir, par
une détente ou une manifestation neurovégétative.
Redonner aux tissus (musculaire, osseux,
ligamentaire,...) une qualité d' « amortissement
», une aisance, leur permettra aussi
de mieux faire face à d'éventuelles nouvelles
situations difficiles. Ceci constitue un
objectif préventif lié à chacun de nos traitements.
Quand l'enfant retrouve un fonctionnement
corporel harmonieux, il peut se
construire une structure plus équilibrée qui
l'accompagnera toute sa vie, car la fonction
préexiste à la structure. L'ostéopathe peut
aider l'enfant dans la prise de conscience
d'un corps animé de mouvements fluides.
Le ressenti du corps avec cette qualité de
mouvement va aussi alimenter une motricité
adéquate et laisser la croissance réaliser
son expansion optimale.
Bernard DECONINCK est ostéopathe D.O., coordinateur
du dispensaire d'ostéopathie pour enfants
à Bruxelles et chargé de cours au Collège
Belge d'Ostéopathie.
12h30 Pause-déjeuner
14h00
Samira BOURHABA et Yves STEVENS
Se souvenir d'oublier? Ou se souvenir de se souvenir?
« Qu'allez-vous,
qu'allons-nous
faire de ce
que vous savez ? » Cette question est au
coeur du travail d'accompagnement psychosocial
des victimes d'abus sexuels.
Adressée tant aux membres de leur famille
qu'aux professionnels, cette préoccupation
questionne chacun sur la place qu'il va vouloir
et/ou pouvoir donner aux abus, une fois
ceuxci
révélés, et à la reconnaissance de la
victime qui les a subis dans l'histoire individuel
de chacun, dans l'histoire que la famille
va se raconter pour se reconstruire mais
aussi dans l'intervention psychosociale.
La fonction auto-protectrice
et parfois
auto-thérapeutique
de l'oubli pour les uns
heurte parfois de plein fouet les besoins de
reconnaissance et de mémoire des autres.
Imposer à l'enfant, à sa famille le tabou de
l'abus ou, à l'inverse, les enfermer dans
cet événement traumatique peut avoir des
conséquences désastreuses.
Dans notre clinique au bénéfice des mineurs
victimes d'abus sexuels intrafamiliaux
et des adolescents auteurs, cette
reconnaissance est régulièrement escamotée,
parfois par choix mais plus souvent
par peur.
Cette interrogation n'est pas seulement
affaire de reconnaissance et de mémoires,
individuelles ou familiales, qui donnent une
place et font exister, mais aussi d'oubli.
D'oubli qui ne soit pas perte de mémoire.
Comment alors s'y retrouver et se retrouver
dans cette dialectique complexe où mémoire et oubli se lient?
Dans cet exposé, nous verrons comment
nous ne pouvons laisser l'émotionnel guider
l'action et donnerons quelques repères pour
construire un dispositif d'accompagnement
respectueux des besoins de chacun.
Samira BOURHABA et Yves STEVENS sont tous
deux psychologues, psychothérapeutes individuels
et familiaux ainsi que formateurs à Parole
d'Enfants. Ils interviennent au service Kaléidos
de prise en charge des situations d'abus sexuels
intrafamiliaux initialement développé au sein de
l'association Parole d'Enfants.
15h00 Conférences au choix
Marie-Thérèse FERHAN et Gisèle ROSSET
Le conte en thérapie familiale, une histoire qui ouvre à d'autres constructions
Après avoir replacé dans le contexte des
thérapies familiales systémiques l'utilisation
« d' objets flottants » et en particulier
le conte systémique, les intervenantes
présenteront une vignette clinique d'une
situation de thérapie familiale.
Le conte systémique, créé sur mesure, à
l'inverse du conte traditionnel, va induire
un mouvement du particulier à l'universel
des mythes.
Dans cette présentation, la famille divisée,
oscillant entre mémoire et oubli autour du
traumatisme, va à travers un conte être
amenée à se réapproprier son histoire et
inventer d'autres perspectives.
Marie-Thérèse
FERHAN et Gisèle ROSSET sont
toutes deux psychologues cliniciennes, psychothérapeutes
d'individus, de familles et couples.
Formatrices et superviseurs au CERAS de Grenoble.
Intervenantes au congrès EFTA à Glasgow
en 2007. " Les règles familiales et les stratégies
individuelles à travers des techniques systémiques
: les objets flottants". Intervenantes au
congrès EFTA Paris 2010. "Du jeu de l'oie au
conte systémique".
Jacques CASTERMANE
Guérir "le" moi ou guérir "du" moi ?
Ce que nous entendons jusqu'à aujourd'hui
par thérapie n'en est peut-être
qu'une
moitié ?
Sont proposées diverses thérapies pragmatiques,
utiles à l'homme parce qu'elles
lui permettent de mieux fonctionner dans
sa vie.
Mais il existe une autre thérapie, qui n'a
rien à voir avec notre fonctionnement dans
le monde mais avec notre vie intérieure.
Une thérapie qui s'emploie à nous introduire
dans un espace jusqu'ici ignoré :
« notre propre essence! »
Ancien kinésithérapeute, pratiquant d'aïkido,
karaté, cérémonie du thé et tir à l'arc, Jacques
CASTERMANE a suivi durant plus de 20 ans
(1967-1988)
l'enseignement zen du philosophe
et psychologue allemand Karlfried Graf Durckheim.
Depuis 1981, il anime une école de méditation
dans la Drôme : le centre Durckheim. Il a
publié des entretiens avec K.G Durckheim : "Le
centre de l'être" aux Editions Albin Michel (Paris,
1992) et "La sagesse exercée" aux Editions de
la Table Ronde (Paris, 2005) avec une préface
d'André Comte Sponville. En 2009, il a également
publié "Comment peut-on
être zen ?" aux Editions
du Relié (Gordes).
16h00 Pause
16h30
Patrick CORILLON
Les paysages de la mémoire
Quand on s'arrête devant un paysage, c'est
pour y promener son regard en toute liberté.
Les points où l'on pose les yeux ne sont
que des moments de repos au cours de ce
parcours.
L'important, pour bien regarder un paysage,
est de fermer les yeux suffisamment
longtemps : les images sur lesquelles on
vient à peine de se reposer s'impriment
alors au fond de la rétine. Avec un peu
d'attention, on remarquera qu'elles se
détachent de leur point d'origine pour se promener en nous. Elles se déplacent pour
aller se fondre dans des images issues de
notre mémoire ou de notre invention.
Rien ne se fixe jamais en nous : les cellules
qui composent notre oeil se régénèrent tout
au long de notre vie, et chaque nouvelle
image qui entre en nous n'a d'autre but
que d'aller se nourrir d'une plus ancienne.
Mais ne nous attardons pas trop sur les
images; car seul compte – dans notre observation
du monde – le fait de sentir nos
yeux bouger dans notre visage. Sans ce
mouvement, nous serions toujours, trait
pour trait, génération après génération, à
l'image du premier homme découvrant son
horizon.
Lors de son intervention qui clôturera le
congrès, Patrick Corillon présentera surtout
l'aspect de son travail qui est enraciné
dans ces notions de mémoire et d'oubli;
elle sera accompagnée de projections
d'images.
Artiste plasticien de renommée internationale,
Patrick CORILLON vit et travaille à Liège et Paris.
Entre littérature et arts plastiques, fiction et
réalité, son oeuvre mêle tous les médiums
(objets, films, installations, photographies,
textes...) pour créer un univers poétique aux
multiples ramifications. Site internet personnel :
www.corillon.org
17h30 Fin
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