9h15 Ouverture du colloque
9h45 Intermède vidéo
10h00
Daniel MARCELLI
Que veut-on transmettre à nos enfants ?
La transmission est au cœur de nombreux débats. Entre le « devoir de mémoire » activement soutenu par les Autorités comme par de multiples associations et le « droit à l’oubli » revendiqué par de nombreux individus, par où passe cette transmission et que veut-on transmettre ? Entre la transmission collective, celle qui va d’une génération à l’autre, au sein d’une population, d’un groupe ethnique, d’une famille et la transmission individuelle qui concerne la singularité d’une personne, quels sont les points communs, les divergences ? Aujourd’hui, dans l’éducation de leur enfant, les parents ne sont plus guidés par la tradition mais ont au contraire le souci de s’adapter à chaque enfant pour que son potentiel, véritable juge de paix de la parentalité, se développe au mieux. Or le potentiel ne se transmet pas ! Que peuvent bien vouloir transmettre les parents et comment font-ils ? Entre la conscience de ce qu’ils veulent transmettre et ce que l’enfant gardera en lui, où est le filtre/philtre ? Qu’est-ce qui se transmet le mieux, une parole ou un silence, un énoncé ou une intonation ? Ce qu’on sait d’un côté, ce qu’on ignore ou plutôt ce qu’on sait qu’on ignore, de l’autre n’agissent pas sur les mêmes instances psychiques, moi/surmoi d’un côté, inconscient de l’autre. On le pratique chaque jour, l’être humain ne s’identifie pas tant à ce qu’il sait mais bien plus à ce qu’il ignore (ou sait qu’il ignore). Le « savoir de l’ignorance » possède sur la psyché un pouvoir énigmatique d’attraction, ces fameux « secrets de famille » ! Or, pour vivre en paix avec soi-même, il faut pouvoir assumer son héritage ! Affaire d’une vie, c’est la transmission qui en détient la clé.
Daniel MARCELLI est pédopsychiatre, professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, ancien chef du service de psychiatrie infanto-juvénile du CHU de Poitiers, président de la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs (FNEPE). Il est auteur de nombreux ouvrages dont « L’enfant chef de la famille », (Albin-Michel 2015) et « Ces adolescents qui évitent de penser» (Érès, 2011) .
11h00 Pause café
11h30
Florence CALICIS
Quand les fantômes s’acharnent… La transmission transgénérationnelle des traumatismes psychiques
La pratique de thérapie familiale amène le thérapeute à se pencher sur les liens qui existent entre la souffrance psychique du « patient identifié » et la souffrance transgénérationnelle transmise malgré eux par ses parents (et/ou par les générations précédentes), que cela concerne des traumatismes « parlés » ou non dits.
Par quels mécanismes subtils se transmettent les traumatismes psychiques, même gardés secrets, d’une génération à l’autre ? Dans quels cas faut-il encourager les parents à parler des traumatismes de leur passé à leurs enfants? Quels effets peut-on en attendre ? Comment accompagner nos patients dans ce travail redouté mais libérateur ? Autant de questions qui constitueront la trame de cet exposé.
Florence CALICIS est psychologue, psychothérapeute au service de santé mentale « Chapelle-aux- Champs » à Bruxelles, formatrice au CEFORES, UCL, maître de conférences à l’ULg.
12h30 Pause de midi (libre)
14h00 Intermède vidéo
14h30
Jean-Paul MUGNIER
Qui suis-je pour moi ? De la menace (de répétition) à la promesse (d’un avenir meilleur)
Face aux violences (conjugales, physiques, sexuelles...), aux humiliations, nombreux sont les enfants qui, pour survivre à l’enfer, se promettent à eux-mêmes de tout mettre en œuvre pour, une fois devenu adulte, connaitre « la vie tranquille ». Cette promesse les accompagne parfois à chaque instant de leur existence tant ils redoutent les menaces que font peser sur leur avenir un passé redoutable.
Pour ces enfants, peut-être la plupart, la promesse devient un partenaire invisible, une sorte de tuteur de développement qu’ils se sont érigés en eux-mêmes et qui leur permettra plus tard de devenir cet adulte sur lequel on peut compter et qui leur avait tant manqué dans le passé. Pour d’autres, ceux pour lesquels enfer et désert semblaient aller de pair dans leur enfance, la promesse peut devenir une source d’aveuglement, synonyme de piège dans lequel ils se précipitent entrainant avec eux leurs proches, conjoints et/ou enfants.
Durant cette intervention, Jean-Paul Mugnier présentera les différents facteurs de risque ou de protection susceptibles d’empêcher ou au contraire favoriser la tenue de cette promesse.
Thérapeute familial et de couples, Jean-Paul MUGNIER dirige depuis plus de 20 ans l’Institut d’Etudes Systémiques à Paris. Sa formation initiale d’éducateur spécialisé l’a conduit à se sensibiliser très tôt aux questions liées à la maltraitance et à s’interroger sur les moyens à mettre en oeuvre pour venir en aide aux enfants victimes de sévices, de négligences comme à leurs parents. Formateur et superviseur, il intervient auprès de nombreuses équipes en France comme à l’étranger, notamment en Belgique, tant dans le champ médico-social que dans le domaine de la protection de l’enfance. Directeur des collections « Psychothérapies créatives » et « Penser le monde de l’enfant » aux éditions Fabert, il est également l’auteur de nombreux essais et romans parmi lesquels « Les stratégies de l’indifférence », « La promesse des enfants meurtris », « Le silence des enfants ».
15h30
Alfredo CANEVARO
La transmission au travail chez les thérapeutes familiaux
Dans toutes les écoles de thérapie familiale, le travail sur l’influence des racines familiales de l’étudiant est effectué indirectement, à travers le génogramme, un outil introduit par Bowen pour tracer la carte familiale trigénérationnelle de l’étudiant en formation (Mc Goldrick, and Gerson, 1985).
Le génogramme, même s’il est un instrument très important dans la formation et la supervision de l’étudiant, reste malgré tout une vision intrapsychique du phénomène relationnel plus vaste qu’est tout le système familial.
L’inclusion réelle des personnages significatifs de l’étudiant, qui sont les témoins privilégiés des compétences, des points forts ou des faiblesses des étudiants tout en étant les membres de leur famille proche, contribuent ainsi à leur formation.
L’expérience personnelle est beaucoup plus riche si on prend en considération les commentaires de tout le système familial avec l’ensemble de ses composantes, et pas seulement la version personnelle, forcément réductrice, de l’étudiant.
Au cours de son intervention, Alfredo Canevaro décrira le protocole du workshop multifamilial tel qu’il l’utilise pour rencontrer tous les composants de ces familles.
Psychiatre et psychothérapeute, Alfredo CANEVARO est engagé dans des activités de clinique, d’enseignement et de supervision. De formation psychanalytique, il a évolué vers une pensée systémique complexe. Il collabore depuis 1999 avec l’école Mara Selvini Palazzoli à Milan en tant que professeur et chercheur clinicien. Il a publié avec Alain Ackermans, aux Editions Erès, « La naissance d’un thérapeute familial ».
16h30
Laurent DEMOULIN
La littérature : au-delà ou en-deçà de la transmission ?
Cette conférence se propose de réfléchir à la façon dont la littérature joue un rôle dans la transmission intergénérationnelle. A priori, la littérature semble constituer un moyen privilégié pour transmettre, à travers le temps, des valeurs, des croyances, des pratiques, des modèles humains valorisés ou honnis. Mais, dès l’Antiquité grecque, des voix se sont élevées pour dénoncer la manière avec laquelle certains textes s’acquittaient de cette tâche : Platon n’hésite pas à adresser à cet égard des reproches au grand Homère et Aristophane à Euripide. C’est que les exigences diverses de la construction narrative ou de la beauté poétique interfèrent volontiers dans le processus de transmission, à la façon d’un prisme déformant. En outre, de nos jours, le texte écrit joue parfois le rôle de compensation : il se substitue à la parole absente, ce qui se traduit par des malentendus qui conduisent parfois les écrivains au tribunal.
Auteur d’un roman mettant en scène un homme aux prises avec l’absence de langage de son fils autiste, Laurent Demoulin réfléchira à ces questions en se basant à la fois sur l’histoire et la théorie littéraires et sur son expérience personnelle d’écriture.
L’intérêt de Laurent DEMOULIN pour la question de la transmission se manifeste aussi bien dans ses activités qu’au gré de ses diverses publications. Enseignant en Romane à l’Université de Liège après avoir œuvré dans l’enseignement secondaire ou supérieur non universitaire, il a commis au sujet de la relation qui se noue avec les élèves ou les étudiants un pamphlet intitulé « L’Hypocrisie pédagogique » (Talus d’approche, 1999). Au début de sa vie professionnelle, il a travaillé en outre comme nègre en écrivant les récits de vie que des personnes âgées voulaient transmettre à leurs descendants. Par ailleurs, dans les librairies ou les asbl culturelles, il cherche à transmettre son amour de la littérature en présentant régulièrement au public liégeois ou bruxellois les écrivains qu’il affectionne. Sa poésie se penche volontiers sur les rapports entre les générations comme l’attestent, entre autres, les recueils « Filiation » (Le Fram, 2001) ou « Même mort » (Le Fram, 2011), qui peint le décès de ses parents. « Palimpseste insistant » (Tétras Lyre, 2014) traite, de façon ludique, de la transmission entre écrivains par le biais de parodies et de pastiches élogieux, tandis que, dans un des textes d’« Ulysse Lumumba» (Le Cormier, 2014), un père belge transmet à ses enfants l’histoire douloureuse du passé colonial. Enfin, son roman « Robinson» (Gallimard, 2016) évoque la relation d’un père avec son enfant autiste : cette relation singulière pose notamment la question d’une forme de transmission qui ne passerait pas par la parole.
17h30 Fin